Exclu : Piquionne "Je ne voulais pas chambrer les supporters"
Nous revenions hier avec Fréderic Piquionne sur son passage à Saint Etienne dans un riche entretien qu'il nous a accordé. Aujourd'hui dans cette seconde partie, l'ancien international français évoque la suite de sa carrière hors du Forez et sa nouvelle vie dans le Football, sans oublier d'évoquer ses expériences dans le match de l'année : Le Derby.
Qu'avez-vous retenu de ce passage à Saint-Etienne ?
« C'est le club le plus marquant que j'ai eu en France, et je ne retiens que le positif, parce que j'ai décroché deux trophées de meilleur joueur du mois, disputé de gros matchs en battant les meilleurs, dans un Chaudron bouillant. Ce que je retiens, c'est tout ce qu'il y a autour. »
Ensuite, il y a donc ce bref passage à Monaco, puis vous signez enfin à Lyon. Le prochain derby est donc attendu, mais dans ce match à Gerland, vous passez au travers, étant même exclu, occasionnant des moqueries. Comment l'avez-vous vécu ?
« Quand on joue à Lyon après être passé à Sainté, c'est normal d'être décrié. Je me rappelle très bien de ce match, et à vouloir trop bien faire … Claude Puel m'aligne sur un côté dans ce match très compliqué, et je suis passé à côté. Encore une fois, en voulant trop briller, il y a des fois où ça se passe mal, et pour moi, ça s'est super mal passé ce soir-là. »
A Geoffroy-Guichard, à l'inverse, votre entrée en jeu occasionne des sifflets assourdissants, et vous frappez de 35m sur votre première prise de balle. Qu'aviez-vous en tête à ce moment ?
« En fait, il y avait forcément la volonté de se montrer, mais ce geste est surtout instinctif. On menait déjà 1-0, et on voulait garder le résultat. Marquer ce soir-là aurait été bien mais sans plus. Je ne voulais pas chambrer les supporters. »
"Je suis content d'avoir vécu dans tout ces pays"
Ce passage à Lyon, bien qu'en demi-teinte, a aussi participé à votre progression ?
« Quand on joue avec Karim Benzema, Juninho, Cris, Caçapa, avec Claude Puel comme formateur. Je pense avoir progressé au milieu de tous ses grands joueurs, même si c'était la première saison où l'OL n'était pas champion. »
Vous partez ensuite à l'étranger, ce départ a-t-il été facilité par le fait d'avoir côtoyé des joueurs au plus haut niveau ?
« Bien sûr ! Cela se fait également grâce à l'équipe de France. Je n'ai, certes, qu'une seule sélection, mais j'ai été appelé plusieurs fois, et en discutant avec tous ceux qui évoluent à l'étranger cela a nourri mon désir de découvrir autre chose. »
De tous vos périples (Angleterre, Etats-Unis, Inde), lequel vous a le plus marqué sportivement ?
« Le championnat anglais forcément, avec toute l'intensité qu'il y a dedans. Puis, quand tu es jeune pro, et que tu vois Manchester United, Arsenal avec tous les grands joueurs qui sont passés là-bas, et que tu as la chance d'y aller, c'est évidemment super à vivre. Pour les Etats-Unis, j'avais trente-deux ans, et l'Inde, trente-six, c'était plus pour essayer, et surtout découvrir la culture. Je suis content d'avoir vécu dans ces trois pays. »
Et Humainement ?
« L'Inde, très clairement. C'est le pays le plus pauvre dans lequel j'ai joué au football, et quand on marchait dans la rue c'était très compliqué. Voir les familles avec leurs enfants vivre dans une extrême pauvreté, c'est très dur. Nous, on avait la chance d'être des footballeurs et de vivre dans de superbes hôtels. »
Cela a-t-il changé votre vision sur votre carrière, et de réaliser la chance que vous avez eu ?
« Cette chance, quand on a été footeux, on la voit au quotidien. C'est vrai que l'on a un autre regard. Le fait d'emmener nos enfants avec nous, et de leur expliquer la chance qu'ils ont de grandir dans des pays européens, la France en l'occurrence. »
Est-ce un accomplissement en tant que père d'offrir cela à ses enfants ?
« Bien sûr, ce n'est pas quelque chose de primordial car tout le monde n'a pas la chance de pouvoir faire des voyages aussi complets, mais si on peut le faire faire à des enfants, leur montrer comment il se comporte, car des fois, on a des enfants gâtés, c'est bien de les ouvrir à la réalité, même si cette réalité peut faire mal. Quand ils sont revenus d'Inde, c'était une autre mentalité. »
"Le métier de consultant me permet aussi de rester dans le football"
Ce retour en France vous a d'ailleurs permis d'enchaîner avec un rôle de consultant chez Canal et le passage de certains diplômes, comment avez-vous assimilé tout cela ?
« C'est effectivement allé très vite, en enchaînant avec les diplômes d'entraîneurs, car je ne voulais pas cogiter et rester à la maison en me demandant quoi faire. J'aimerai bien poursuivre mon apprentissage pour ensuite entraîner à la formation. La formation française est réputée donc j'espère continuer là-dedans. Le métier de consultant me permet aussi de rester dans le football, de transmettre et d'analyser ce que j'ai pu connaître dans ce rôle d'attaquant qui est important pour moi. Aujourd'hui, j'ai le DES qui me permet d'entraîner des équipes de National 2, hors centre de formation. Donc la prochaine étape, c'est d'aller au formateur, justement pour intégrer les centres de formations. »
Seriez-vous tenté d'entraîner dans ces niveaux semi-amateurs, ou vous préférez vous consacrer au passage des diplômes ?
« Je préfère passer mes diplômes pour l'instant, mais si l'on me propose un projet sérieux dans un club qui a besoin, j'ai aucun problème là-dessus. C'est vrai que pour l'instant je suis épanoui en tant que consultant, mais je sens que le coaching me plaît. »
Comment avez-vous ressenti cela au fond de vous ?
« Je me suis posé la question en rentrant d'Inde. Et à ce moment-là, j'étais adjoint de Laurent Roussey à Créteil, et ça m'a plus, donc il m'a donné l'envie pendant les six mois où nous étions ensemble, puis quand on a vécu pendant quinze ans dans le football, on ne peut pas en sortir du jour au lendemain. Je voulais voir si cela me plaisait, et si j'étais capable de transmettre aux autres joueurs, et je pense que dans certains cas, j'ai pu aider. C'était dans un contexte particulier, car ce n'est pas facile pour ces clubs de la région parisienne, on le voit encore aujourd'hui avec le Red Star qui fait l'ascenseur. A la base, ce sont des clubs amateurs, et pour pérenniser des clubs comme cela, il faut rester des années dans le monde professionnel, et ce n'est pas facile. »
"Aujourd'hui, les clubs veulent tous faire du trading"
Votre rôle de consultant est essentiellement sur le championnat anglais, mais quel regard portez-vous sur le championnat de France, et avez-vous noté une différence par rapport à votre époque ?
« Je suis un peu aussi sur le championnat de France, je regarde quasiment tous les championnats majeurs. Pour ce qui est de la Ligue 1, je trouve qu'à part le PSG, derrière c'est assez homogène. On ne sait pas qui va terminer deuxième.
Ensuite, la principale différence que je remarque, bien que le championnat reste tactique, c'est la baisse globale du niveau. On a formé des joueurs trop stéréotypés, et dès qu'il y en a un qui sort du lot, on le trouve extraordinaire. Cela passe par la formation, mais aujourd'hui, les clubs veulent tous faire du trading. »
Le trading donne la sensation que les joueurs sont considérés comme une marchandise à part entière, aviez-vous déjà ce ressenti en tant que joueur ?
« Le joueur a toujours représenté une forte valeur marchande, mais le trading tel qu'il est pratiqué aujourd'hui, non. On ne le voyait pas comme ça de toute manière. Le changement se note également dans la régularité des transferts de joueurs de dix-huit ou dix-neuf ans à plus de cent millions d'euros. Maintenant, c'est chaque été. »
Malgré ces changements de fond dans le football, vous verriez-vous venir, dans un futur proche, dans un club de Ligue 1, en tant qu'entraîneur ou dirigeant ?
« Cela dépend de ce que l'on pourrait proposer. Dirigeant, entraîneur, scoutisme, ce sont des choses intéressantes. Je fonctionne à l'instinct, donc c'est difficile de dire ce que je ferai à l'avenir, si ce n'est poursuivre mes diplômes en allant à la formation la saison prochaine. J'ai quelques touches, mais rien de significatif à l'heure actuelle. »
Pour découvrir la première partie de l'interview de Fréderic Piquionne c'est ici.