🎙️ Interview Evect - Rencontre avec Razik Nedder avant la reprise en N3

Formation | Publié le par Paul. R | 4 commentaires

Comme avant chaque nouvelle saison, nous sommes partis à la rencontre des coachs du Centre de formation de l’ASSE. Premier rendez-vous avant la reprise des jeunes avec le coach de la N3 : Razik Nedder. 

Bonjour Razik, quel bilan tires-tu de la saison précédente ? 

On sort d’une année plutôt satisfaisante, on a vu que ces poules de N3 sont devenus des pièges avec la réforme des championnats. Cinq descentes l’an passé (sur 14 équipes), quatre cette saison, il y a eu pas mal de beaux Centres de formation qui se sont fait avoir. Pour les réserves ça devient compliqué, les équipes du monde amateur bossent de mieux en mieux, les effectifs pros se réduisent de plus en plus et de nombreux joueurs libres sur le marché qui ne trouvent pas de club débarquent désormais en N2 et en N3. Dans notre poule, on est content de cette troisième place même si avec un peu plus de stabilité et de maturité dans l’effectif on aurait peut-être pu jouer les premiers rôles. Sur les résultats on est satisfait mais c’est surtout le contenu que nous jugeons. Nous avons vu des garçons grandir et avancer dans leur formation.


À quel type de championnat t’attends-tu pour la saison prochaine ?

On va monter encore d’une marche en terme de niveau. On va retrouver des gros clubs dans notre poule, des réserves (OL) et des clubs qui historiquement n’ont jamais joué ou presque a ce niveau-là (La Duchère, Saint-Priest). On a perdu des équipes un peu plus faibles qui ont été remplacées par des équipes très fortes de R1. Le niveau de la poule est élevé, on est en conscient, ce sera un championnat difficile.


Nedder : "Aujourd’hui, il reste moins de cinq réserves en N2. Ça a changé, c’est l’éternel problème de ce football où j’entends "avant", "nous", "à l’époque". D’accord mais à l’époque une équipe de CFA2, c’était des amateurs"


As-tu le sentiment qu’on minimise le niveau de la N3 ? On entend souvent dire que ce n’est pas normal que l’ASSE ne remonte pas en N2.

Le football il faut le vivre et il faut le voir pour l’analyser. Quand on voit les matchs, quand on se déplace sur les terrains, celui qui a ce discours-là, il est malhonnête. La preuve, ce n’est pas que l’ASSE ! Aujourd’hui, il reste moins de cinq réserves en N2. Ça a changé, c’est l’éternel problème de ce football où j'entends "avant", "nous", "à l’époque". D’accord mais à l’époque une équipe de CFA2, c’était des amateurs, de vrais amateurs qui avaient un boulot et qui s’entrainaient trois fois par semaine pour jouer le week-end. Aujourd’hui en N3, le onze titulaire, il ne fait que ça, il vit du foot et ne joue qu'au foot. On n'est plus sur de l’amateurisme et si on veut être honnête, ce sont des championnats semi-professionnels. On le voit aussi désormais quand on libère des joueurs, avant tous les clubs de National se positionnaient, mais maintenant il y a tellement de monde sur le marché. Des vrais pros dans un effectif, il y en a 10 de moins qu’il y a dix ans, ça laisse du monde sur le carreau et ces joueurs-là, ils sont dans nos championnats.


Est-ce un plus cette adversité pour la formation des joueurs de l’ASSE ?

C’est une question que l’on aborde souvent mais j’ai envie d'en poser une autre. Est-ce que ce championnat-là, qui est un support de travail pour nous à l'ASSE, est-ce qu’il répond à une politique de formation ? J’estime que dans l’impact, dans l’animosité, dans la pression : oui. Maintenant dans l’aspect tactique du football, j’estime que non, ce championnat ne répond pas à nos attentes. 


Quelles solutions ? 

Je pense qu’on peut réussir un mix des deux entre un championnat de N3 et un championnat de réserve. Beaucoup de réserves sont en train de quitter le championnat et je pense qu’à l’avenir toutes les équipes qui vont descendre sortiront définitivement du championnat. C’est ce que Paris a fait, c’est ce que veut faire Nice ou d’autres clubs. Nous à l’ASSE, on veut rester dans ce championnat qui apporte de l’impact, de l’agressivité ce qui permet de travailler le contexte et non le contenu. Par contre sur toutes nos périodes de trêve, jouer des réserves avec un football différent pour pouvoir s’adapter et bosser tactiquement avec nos jeunes. On essaye de trouver cet équilibre mais ce qui dérange c’est ce ratio de matchs. On a 80% de matchs où c’est de la bagarre et seulement 20% où cela joue.


Nedder : "Un groupe réserve a deux rôles. Le premier c’est de faire progresser nos joueurs qui sont en fin de formation pour la plupart. Le second c’est d’être un facilitateur pour le coach de l’équipe première"


À quoi va ressembler ton effectif cette année ? 

Comme chaque année l’équipe change en grande partie avec 50% de l’effectif qui quitte le club ou qui bascule dans le groupe professionnel. On a une génération 2003 peu fournie à l’ASSE mais avec de bons joueurs. Ce sont davantage les 2004 que nous verrons comme cadres de cet effectif. La chance que nous avons eu, c’est que certains garçons ont gagné du temps sur la saison passée car nous étions déjà avec des joueurs de 2004 et de 2005. L’équipe va ressembler en partie à ce qu’on a pu faire l’an dernier. On sait que l’aspect offensif va déterminer notre efficacité, quand on a eu des garçons comme Karim Cissé qui sont capable de bonifier le travail collectif avec des stats, tu te mets à gagner des matchs. Ce type de joueurs rendent bons les entraineurs (sourire).


T'es-tu renforcé de l’extérieur ? 

Nous avons une seule vraie recrue qui est un défenseur. Terry Elana (2002). C’est un joueur que nous suivions, c’est un coup qu’on a pu faire sur de la post-formation. Il vient de faire une saison pleine dans un club de N2 (Aubagne). Je sais qu’il n’a pas été à son avantage sur les matchs amicaux avec les pros mais c’est normal, il découvre. Il a besoin d’un certain temps d’adaptation, il a été très performant avec moi depuis, il ne va faire que monter en puissance. Nous avons également pris deux gardiens de but. J’estime qu’on s’est renforcé au poste avec deux portiers de qualité (Touré et Delacroix).


Comment s’est déroulée ta préparation ? 

On a fait un bon tournoi de Ploufragan (finalistes) parce que dans le contenu et l’intensité, c’est ce que nous souhaitons faire, c’est par contre ce qu’il a manqué face à Andrézieux (0-4). C’est la réalité du football, quand tu ne le respecte pas, il te sanctionne. C’est ce qu’il s’est passé, on a cru qu’en jouant tranquille, ça allait le faire. En face de toi, en N2, il y a des mecs qui ont faim, qui jouent leur salaire et le fait de remplir leur frigo. Ils veulent jouer et s’imposer dans une équipe comme Andrézieux qui s'est bien renforcée avec un coach de qualité. Cette défaite, c’est bien qu’elle arrive à ce moment-là de la préparation (ndlr : depuis l’interview, la réserve s’est imposée 4-1 face au Goal FC, équipe de N1)

S’adapter tactiquement à ce qui se fait au dessus est nécessaire pour favoriser la passerelle des joueurs vers les Pros ? 

Un groupe réserve a deux rôles. Le premier c’est de faire progresser nos joueurs qui sont en fin de formation pour la plupart. Le second c’est d’être un facilitateur pour le coach de l’équipe première. Je suis très conscient de ce rôle, on estime et j’estime que de mettre un système en place avec le coach que nous avons actuellement permet de se projeter plus facilement pour lui, sur les joueurs de la réserve. Mon but c’est qu’un maximum de joueurs de la réserve montent chez les pros, qu’ils puissent jouer et prendre du temps de jeu. On estime que d’être dans ce système, que lui affectionne, qu’il utilise le plus souvent peut aider à cela. Le 3-5-2 après ça reste un système, il y a les animations qu’on met à l’intérieur et là, j’ai la liberté de faire comme j’ai envie. J’apprécie ce système car il met beaucoup de densité dans le coeur du jeu, il génère aussi une fragilité dans l’équilibre donc automatiquement il faut travailler sur la vigilance défensive, le marquage préventif et sur les phases de transitions.


On t’a d’ailleurs vu à la reprise avec le groupe professionnel aux côtés de Laurent Batlles pendant deux semaines, quel était l’objectif ? 

Laurent en avait déjà un peu parlé en conférence de presse, le projet c’est toujours d’être un facilitateur pour nos joueurs. Le coach a souvent ses priorités et de donner de l’importance aux très jeunes joueurs, parfois au niveau du temps, ce n'est pas forcément nécessaire. Sur de la post-formation et sur mon relationnel avec les jeunes joueurs, je pense que ça aide tout le monde pour être plus à l’aise sur le début de la préparation. La volonté de la direction était que j’intègre le staff sur cette période-là pour aider nos jeunes joueurs. 


Juges-tu que ça a été bien fait ? 

Je pense que c’est nécessaire. De là à dire que c’est grâce à cela qu’ils ont performé, je ne sais pas. Un jeune joueur a besoin d’attentions, ils sont tous singuliers, certains ont besoin d’une grosse présence, d’autre d’affect mais pas que sur 15 jours, rassurez-vous. Le suivi est encore présent toute l'année, un coach de la réserve est souvent proche de ses joueurs car ils traversent tous des périodes de doute liées à leur formation et ça renforce nos liens avec eux.


Les pros qui redescendent, comment gères-tu cela ? 

Il y a différents cas. Si on parle de Moueffek ou Sow par exemple la saison dernière qui sont des enfants du club, "nos petits", ils reviennent juste à la maison. Ça permet de remettre ces joueurs sur pieds que ce soit mentalement ou physiquement. C’est aussi notre rôle. Ces joueurs-là c’est plus simple pour nous car il existe déjà un relationnel, ils ne sont bien-sûr pas contents de revenir chez moi mais on va dire que cela se passe bien et qu’ils ne le vivent pas comme une sanction. Après il y a ceux qui vivent la situation comme une déception et là c’est plus dur. C’est souvent un manque d’humilité de leur part. Ça nous permet nous, de remettre un petit rappel sur la réalité de ce métier, le travail, la performance et la compétence. Sur des joueurs cadres des professionnels, en 13 ans au club j’en ai vu quelques-uns... ça fait 5 ans que j’ai la réserve, j’en ai eu, il y a des dossiers un peu plus compliqués que des joueurs blessés qui reviennent juste retrouver la forme. Souvent ce sont des grands professionnels et ils savent très bien le faire, il n’y a jamais véritablement de soucis.


Nedder : "J’ai une femme brillante, cheffe d'entreprise qui travaille ici et qui est heureuse dans ce qu’elle fait donc je suis conscient que certaines décisions peuvent engendrer beaucoup de changements pour mon entourage"


Razik, tu as prolongé d’une saison, là ou certains de tes collègues n’ont pas accepté ce projet à court terme proposé aux éducateurs du centre, pourquoi ce choix ?

Il y plusieurs choses, j’ai déjà beaucoup de respect pour les gens qui sont partis. Ce sont des décisions difficiles à prendre, c’est un milieu avec des contrats de travail précaires dans la durée, nous n’avons avec cette année de plus, que très peu de visibilité sur notre avenir. Jean-Luc Dogon par exemple (l’ancien coach des U19), n’était pas de Saint-Étienne, je peux comprendre que cette contrainte associée à la précarité du contrat a fait qu’il a décidé de quitter le club. Pour ma part c’est différent, déjà parce que je suis Stéphanois. Ensuite, nous ne sommes pas que des entraineurs, on est aussi des pères de famille, j’ai la chance d’être chez moi, dans ma ville avec ma famille proche de moi. J’ai une femme brillante, cheffe d'entreprise qui travaille ici et qui est heureuse dans ce qu’elle fait donc je suis conscient que certaines décisions peuvent engendrer beaucoup de changements pour mon entourage. Dans ma situation avec ma structure de vie actuelle, c’était ma décision d’accepter de prolonger d’une saison. On verra de quoi l’avenir sera fait.


En tant que supporter du club comment as-tu vécu cette saison de Ligue 2 ? 

Je ne suis pas supporter justement, je suis un technicien qui répond à ton interview (rires). Non sérieusement, on a eu des périodes de doutes, ça fait partie d’une saison. Je pense qu’on a réussi à redresser la barre ce qui a soulagé tout le monde. On est dans le projet annoncé par notre direction et par notre coach lors de sa prise de fonction, un projet de deux ans pour remonter. J’espère qu’il va aboutir de manière favorable. On va bagarrer pour atteindre les objectifs du club.


Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter personnellement à toi et à ton équipe pour la saison à venir ? 

Continuer de prendre du plaisir, c’est un boulot prenant qui demande beaucoup d’intensité. Je le vois dans ma façon d’entrainer, ce que je faisais il y a quelques années et ce que je fais aujourd’hui dans les méthodes de travail, ça a beaucoup changé. On a cette volonté d’injecter de l’intensité à nos joueurs mais ça en demande forcément plus à nos staffs. On prend du plaisir à le faire, je suis un peu un hyper-actif à ce niveau-là, j’ai besoin de donner, j’ai besoin d’envoyer. L’idée c’est de continuer à prendre ce plaisir. Maintenant le plaisir c’est une chose mais la compétence, c’en est une autre. Mon objectif c’est de développer cette dernière afin de devenir un expert dans le domaine dans lequel j’évolue. Je veux continuer à avancer, c’est la beauté de ce métier, il n’y a pas de limites, on peut toujours être meilleur. Je veux que la limite de mes rêves et mes ambitions soit celle de mes compétences, j’essaye de les repousser au maximum. 


Collectivement, il faudra faire une bonne saison. Les objectifs, il est compliqué de s’en fixer parce que le championnat n’a pas attaqué, on ne sait pas trop comment va se constituer la poule avec des équipes qui ont connu des gros bouleversements. Les résultats feront qu'en cours de saison nous verrons ce que nous pouvons espérer jouer en fonction d’où nous nous situons. 


Comment convaincre les gens de venir voir jouer la réserve ? 

La réserve c’est un peu la vitrine du centre de formation. L’an passé si tu viens voir jouer la N3 et bien tu observes des joueurs que tu as vu briller sur les matchs de préparation, que ce soit Amougou, Fall ou Cissé. La réserve ça reste aussi l’identité de notre club, la formation c’est l’histoire de l'ASSE. On voit encore qu’à court terme, financièrement c’est la formation qui te permet de continuer à exister. C’est l’identité et l’histoire de Saint-Étienne. On a aussi la volonté de produire du jeu, on a le ballon, on veut faire mal à l’adversaire, on veut mettre de l’intensité dans nos matchs. Même si cela reste une équipe en construction avec la volonté de faire évoluer des jeunes joueurs, je pense que pour les gens, c’est plaisant à regarder. 

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