Ce soir on vous met le feu !
Les anciens s’en souviennent, fut un temps, dans les kops, alors appelés Populaires, les jours de grands matchs, on aurait aimé avoir autant de liberté de mouvement, que les sardines dans leur boite. Même l’hiver, on savait ce que voulez dire : Chaleur humaine !
Ce soir-là, justement, Geoffroy Guichard est comble ! Près de 40 000 fervents venus de tout le pays, s’entassent sur les gradins ! Comme nous, le match était serré. Lors d’un moment de répit, mon voisin du « gradin de devant » se retourne et, l’air inquiet, m’interroge en faisant une grimace significative :
- Vous ne sentez pas le brûlé?
Etonné !!
Non non je ne sens rien !
Le match reprend mais par acquis de conscience je vérifie quand même.
A cette époque-là, comme tout bon sportif amateur qui se respectait, je fumais. Je constate que ce Monsieur était sapé comme un ministre, à la mode du moment ! Un beau pantalon classe, pattes d’éléphants, terminé par un revers extérieur, revers parfaitement ajusté sur de belles chaussures vernies.
Et là je découvre l’horreur !
Un mégot encore allumé avait terminé son vol dans le revers ! Le pyromane avait sans doute sévit depuis un bon moment car une tranche du pantalon, à peu près aussi large que le mégot, avait disparue sur 5 ou 6 centimètres de hauteur.
Et il se demandait si ça ne sentait pas le brûlé ?
Affolement général et, première charité commençant par soi-même, tous les voisins, bizarrement, vérifient d’abord leur falzar, moi aussi.
On s’occupe ensuite de l’incendie. Tous les moyens sont bons pour stopper l’incinération. Il y en a un qui tape avec son journal mais abandonne vite avant qu’il crame aussi, apparemment il n’avait pas fini de le lire ! Un autre prend le relais en mettant des gifles sur le brasier ! Il arrête vite lui aussi, car il s’aperçoit que c’est chaud ! Finalement, un troisième décide, la mort dans l’âme, de sacrifier sa canette de bière tout juste entamée, et qui finit dans la chaussure vernie, après avoir stoppé net le sinistre. Aucun blessé !
Soulagement et fou rire de tous ceux, nombreux, qui avaient assisté à la scène et même du grand brûlé !
On n’a jamais su à qui était le mégot coupable, mais j’étais parmi les suspects.
On apprendra ensuite, que le pantalon était tout neuf et que, celui qui était dedans, n’était pas un habitué de Geoffroy-Guichard ! Ce qui explique, sans doute, qu’il soit venu en tenue de mariage ! A la mi-temps il emmena le pompier volontaire à la buvette pour lui offrir une bonne bière en compensation. A leur retour, tardif, on vit, que s’il avait perdu un froc, il avait gagné un pote !
Quant à mettre un pantalon neuf pour « aller au match », comme aurait dit La Fontaine :
« Il jura, mais un peu tard, qu’on ne l’y prendrait plus ! »