Hervé Revelli : « Ils veulent garder le pouvoir »
Venant aider régulièrement son fils patron du P'tit Vert au cœur de la presqu'île lyonnaise, Hervé Revelli reste attentif au club et à sa ville de toujours. Incisif parfois, il a encore envie de rendre ce qu'on lui a donné. Entretien en deux temps.
Tout d'abord, en tant qu'ancien Vert, comment avez-vous fait pour vous retrouver en plein centre de Lyon ?
« Ce n'est pas vraiment moi, mais mon fils. Je viens l'aider pour le service de midi. Je suis à la retraite, et j'ai mon activité d'agents de joueurs, donc quand j'ai le temps, je viens. Finalement, je me dis que les gens ne sont pas aussi bêtes qu'on le dit ou le pense. D'ailleurs, l'idée vient d'un vrai lyonnais, le beau-père de mon fils. C'était il y a 25 ans, on se disait que c'était un peu risqué de l'appeler « Le P'tit Vert », mais lui était sûr que non. Et, en effet, il n'y a jamais rien eu. Au contraire, les semaines qui sont autour du derby, ça met de l'ambiance. Il y a pas mal d'anciens joueurs lyonnais qui viennent, comme Florian Maurice, Bruno Génésio, Rémi Garde... S'il faut parler foot, on parle foot, sinon on parle d'autres choses. Le contraire serait peut être différent, si un ancien joueur lyonnais venait s'installer à Saint-Etienne. »
Quelles relations avez-vous avec les anciens Lyonnais ?
« Elles sont très bonnes. Fleury Di Nallo vient boire le café par exemple. A notre époque, il n'y avait pas de cadeau sur le terrain, mais une fois que c'était fini, on passait à autre chose. Nos derbys étaient beaucoup plus méchants, mais on se côtoyait en équipe de France, donc on se connaissait différemment. Le truc c'est que leurs joueurs étaient bien ancrés Lyonnais, et nous aussi avec Saint-Etienne. Maintenant, dans six mois certains ne seront plus lyonnais, d'autres ne seront plus stéphanois, donc désormais les derbys ressemblent moins à des guerres de clochers. »
"C'était un derby minable"
Qu'avez-vous pensé du dernier derby justement ?
« Je me suis fait chier. Il y a même des Lyonnais qui ont changé de chaîne. C'est le premier derby où on s'ennuie autant. J'avais prévenu en disant que ce serait probablement l'un des derbys les moins beaux, car les deux clubs ne sont pas dans une bonne phase. Le moins mauvais a gagné. C'était un derby minable. On attend un derby car il se passe toujours des choses, ce sont des matchs qui devraient finir à 5-4. En plus de cela, il n'y a plus de spectateurs dans les tribunes. Avant, c'était rouge et bleu d'un côté, et vert/blanc de l'autre, parfois c'était un peu mélangé. Maintenant, tout le monde est parqué. Il n'y a plus droit aux fumigènes, alors que ça a toujours existé. Quand on rentrait sur le terrain, c'était enthousiasmant de voir cela. Pour en revenir au match, je n'ai pas compris comment Lyon a joué. Un derby se joue comme une finale de Coupe de France. Face à une équipe en difficulté comme Saint-Etienne, attaque, vas-y ! Au lieu de ça, il n'y avait rien. »
Pour en revenir sur la situation actuelle du club, et sur sa direction. Quel ressenti avez-vous sur la direction à deux têtes ?
« Pour moi, un président c'est déjà difficile, mais alors deux c'est insupportable. Le jour où l'on changera ça, peut être que l'on aura gagné pas mal de choses. Je n'ai rien contre l'un et l'autre. Je dis juste que ça ne va pas ensemble. Pourquoi a-t-on autant de bons entraîneurs qui sont partis ? On me dit qu'ils sont usés, mais deux mois après ils sont dans un autre club. Le plus flagrant reste Christophe Galtier. Il aurait pu rester à Saint-Etienne pour continuer son travail. Donc s'il est parti, c'est qu'il y avait un problème, et à chaque fois c'est le même. Donc arrêtez de me dire que ce sont les entraîneurs ou les joueurs. Tant qu'on aura ces deux présidents, on aura les résultats qu'on a. Une fois, ça va passer comme lorsque Galtier a fait avec une victoire en Coupe de la Ligue. Et puis c'est tout. Quelques participations à la Coupe d'Europe, d'accord, mais le championnat est tellement faible en dehors de Paris, personne ne sait qui sera sur le podium cette saison. Ils mènent très bien leurs vies extra-football, mais le football c'est autre chose. Ils ont fait leur temps, ont repris l'ASSE au plus bas, en faisant ce qu'ils avaient à faire. A un moment donné, il faut voir autre chose. La vente du club, c'est l'Arlésienne. A chaque fois, il y a des discussions, mais rien ne se concrétise. Ils veulent quelqu'un qui met de l'argent, mais veulent garder le pouvoir. Un acheteur potentiel m'a dit que c'était invendable ! »
"Il faut le laisser travailler !"
En dehors de cela, ce qui a animé ce début de saison, c'est aussi le changement d'entraîneur avec le départ de Ghislain Printant.
« Avant tout, c'est la communication qui a été très mauvaise. Ensuite on s'excuse, mais le mal a été fait. Je ne vais pas juger Ghislain Printant car c'est un métier très difficile, mais il a commencé dans un club très fortement médiatisé. Pour des débuts en numéro un, ce n'était peut être pas le bon club. Le changement était sans doute au bon moment, car le coach semblait un peu perdu. Maintenant, Claude Puel ça sera la même catégorie que les très bons entraîneurs qui sont passés par Sainté. Il va mettre de l'ordre, mais laissons-le travailler jusqu'au bout. »
Comment interprétez-vous le fait que, pour que ça marche, il faut un homme fort pour éclipser ce qu'il y a au-dessus ?
« Pour que ça marche, il faut surtout le laisser travailler ! C'est ce qui s'est passé avec les précédents. Ils ont mis de l'ordre, c'est reparti. Comme ensuite, on parle moins des présidents, et bien, ils remercient et reviennent sur le devant de la scène. Ce n'est pas que le terrain à Saint-Etienne, c'est tout ce qu'il y a autour. J'ai un peu peur que les choses se répètent, pour couper l'herbe sous les pieds de Puel. »
Claude Puel étant réputé pour faire éclore de jeunes joueurs, quel regard portez-vous sur la formation stéphanoise ?
« Ce qui est lié à la formation, c'est la cellule recrutement. Ce sont eux qui sont en charge de chercher de très bons joueurs. Je m'étais proposé il y a deux ans de cela pour faire de la prospection de jeunes joueurs. J'avais fait des rapports pendant quelques temps, mais il n'y a jamais eu de suite. Certains se sont sans doute méfiés de moi, alors que je voulais juste bosser sur les jeunes. On me dit qu'ils ont des scouts de partout, mais je pense être assez bon pour détecter de bons attaquants dans des clubs. Je ne pense pas que ça vienne des présidents, mais d'en dessous. Et quand je vois le recrutement, je m'étonne qu'ils soient encore en place. Maintenant, si on ne se bat pas pour les jeunes, ils ne viennent pas. Avant, ils venaient à pieds, mais cela a changé, et il faut en prendre conscience. »
Retrouvez la suite de l'interview demain matin !