Janot et "sa grande gueule" à l'ASSE l'année du maintien in extremis
Jérémie Janot est un gardien emblématique de l'AS Saint-Étienne. Il est le portier qui a joué le plus grand nombres de match au club (386). Il raconte ses années stéphanoises pour la Voix des Gardiens.
Jérémie Janot est revenu sur ses années stéphanoises, au micro de la Voix des Gardiens. Il raconte tout d'abord comment il a signé à l'ASSE : "Une histoire improbable. Mes parents déménagent ici, mon beau-père vient travailler à la direction de la protection sociale (DPS). On va voir le coach Blachon, qui entraîne les U15, et Monsieur Blachon me dit : "Bah viens à l'entraînement lundi." Si ça se passe bien, je signe une licence. J'habitais à Montreynaud, un quartier juste à côté d'ici, je venais à pied, en 20 minutes j'y étais tous les jours, aller-retour."
Gardien le plus capé de l'histoire du club, Janot explique le secret de sa réussite au sein du club forézien : "Ce qui m'a fait réussir, c'est que tous les week-ends où on ne jouait pas en pro, j'allais jouer avec la réserve. Ça a été très, très important, je pense. Je dois avoir un peu plus d'une centaine de matchs avec la réserve ici. Je pouvais rentrer de déplacements à 2-3 heures du matin, le lendemain je jouais avec la réserve, je ne partais pas en week-end. Quand j'arrive en pro' et que Frédéric Antonetti m'installe, j'ai peut-être certes 50 ou 60 matchs en pro, mais j'ai aussi 100 matchs de réserve, et ça commence à faire. Tu répètes des situations. Dès qu'un gardien ne joue pas, je le fais jouer en réserve, parce que quand tu es décisif en réserve, tu seras décisif en pro. Ce sont des situations que tu as vécues, que tu vas répéter, et tu es prêt. Souvent, les mecs arrivent, jouent en pro, mais ça fait quatre semaines qu'ils n'ont pas joué avec la réserve, ils ont joué une fois, et quatre semaines avant ils n'avaient toujours pas joué. Ça veut dire qu'en dix semaines... tu as peu joué et après tu es titulaire contre Marseille, Paris, Rennes ou Lille..."
Jérémie Janot se remémore également ses plus belles saisons sous la tunique verte : "Il y en a eu deux, mes deux meilleures saisons. L'année de la montée avec Antonetti où je décroche le trophée UNFP du meilleur gardien de Ligue 2, j'étais bien avec le coach Antonetti, qui m'avait convoqué en début de saison et qui m'a demandé si je voulais jouer en Ligue 1 la saison suivante. Je réponds oui et il me dit qu'il faut gagner dix points cette année. À chaque séance de frappes, il ne lâchait rien. Il m'a appris qu'au haut niveau, tu ne peux pas avoir la moindre seconde de relâchement. Je me sentais numéro un, j'avais un matelas pour ma confiance, mais je n'avais pas un chèque en blanc, il fallait que je sois performant. Ils nous disaient tout le temps que l'ennemi du sportif de haut niveau, c'est le relâchement.
Après, une de mes meilleures saisons en Ligue 1, c'est 2006/2007 où je suis bien, je fais de gros matchs. Mais la meilleure saison, c'est 2009/2010, où on se maintient avec 26 buts marqués. On galère toute l'année, qui est celle de la prise de fonction de Christophe Galtier à la trêve. Cette année-là, je suis le gardien qui fait le plus d'arrêts, je suis à 140 arrêts, je crois, et je suis en moyenne à 80% de tirs arrêtés. Je suis juste derrière Hugo Lloris. Je disais tout le temps dans le vestiaire : "Excusez-moi les gars, je suis deuxième juste derrière Hugo Lloris, la prochaine fois j'essaierai de faire mieux que le gardien de l'Équipe de France." J'étais un peu grande gueule, j'aimais bien faire ça. On termine l'année avec 26 buts marqués, ce n'est pas la faute des attaquants, mais on avait très, très mal démarré la saison. Il fallait se maintenir à tout prix, il fallait blinder, et quand tu blindes, il faut que le gardien soit à la hauteur."
Il évoque également la série de minutes sans prendre de buts (1534): " Ah tu te sens bien (rires), tu es un peu dans la zone comme on dit, tu es chaud, tu sais quand tu es dans une bonne période tu as l'impression que toutes anticipations marchent, même les plus osées, tu vas sortir de ta surface, tu te sens tellement en confiance que même s'il y a des frappes, tu te dis que tu vas les arrêter ou que tes défenseurs vont t'aider. Puis je me suis pris un but pourri, c'est toujours comme ça, je savais que la série n'allait pas s'arrêter sur une frappe pleine lucarne, c'est le défenseur de Nancy, Lécluse qui met une frappe contrée. Ce qui est bête, c'est que c'est un match en retard en plus, on prend le but et derrière on en prend aucun pendant six ou sept matchs. Ce qui fait que je si je ne croise pas Lécluse, on passe peut-être à 24 matchs sans prendre de buts. Je me souviens d'avoir joué le PSG, on leur en avait mis trois, c'était peut-être une astuce d'Elie Baup (ex-coach de l'ASSE) pour nous motiver mais il nous avait dit que les Parisiens avaient fait des paris pour savoir qui allait mettre fin à cette série et nous cela nous avait galvanisé."
Le même Elie Baup qui était également gardien pendant sa carrière de footballeur, aura apporté quelque chose de précieux pour Janot comme ce dernier le raconte : "Il m'a appris un truc. On fait un retour vidéo, et quand tu es jeune, tu fais un retour vidéo et tu dis : "non mais là, ce n'est pas de ma faute." Et là, il me dit : "Jérémie, quand tu prends un but, c'est toujours de ta faute. Mais il faut analyser le degré : 100%, 50%, ou 5%, mais tu ne peux pas me dire que ce n'est pas de ta faute." Si on prend un but, c'est qu'à un moment donné ou à un autre, il y a quelque chose qu'on n'a pas fait. Cela peut être l'arrêt, ça peut être la commande au bon moment. Sur l'instant T, sur le centre en retrait, tu ne peux rien faire, il te met une bombe à bout portant, mais sur le ballon en profondeur, 30 secondes avant : est-ce que tu ne peux pas y aller ? Est-ce que tu ne peux pas dire laisse ? Tu peux peut-être couper l'action avant qu'elle ne se produise. Donc, avoir cette mentalité de se dire j'aurais pu faire mieux, parce que si tu ne te dis pas ça, tu ne progresseras pas, tu resteras sur tes acquis. Je revois encore la discussion avec son maillot Adidas."