Procès #ASSEAJA : "Une extrême justice est souvent une injure"
Comme vous avez pu le suivre sur Evect hier, le premier jugement suite aux incidents ayant émaillé la fin de match entre l'AS Saint-Étienne et l'AJ Auxerre en mai dernier, a eu lieu ce mercredi 16 novembre.
La matinée :
La Présidente de séance Stéphanie Perrin a commencé par présenter tous les protagonistes ainsi que les parties civiles, l'AS Saint-Étienne et la Ligue de Football Professionnel, représentées par leurs avocats respectifs. Après un résumé des faits ainsi que la diffusion de passages vidéos issus principalement de la vidéosurveillance, les prévenus ont tour à tour été appelés à la barre. Plus de la moitié des prévenus ont pu s'exprimer le matin et répondre aux questions de la présidente de séance Stéphanie Perrin, du substitut du procureur Amel Jakupovic ainsi que des différents avocats. Tous disent assumer et regretter les faits qui leurs sont reprochés même si certains contestent certaines accusations concernant notamment l'introduction d'engins pyrotechniques au Stade Geoffroy-Guichard ce jour-là. Un témoin, absent du stade ce jour-là, s'est exprimé également à la barre : il s'agit du fonctionnaire de police Bernard Fraisse qui a expliqué comment les interpellations s'étaient déroulées à la suite des incidents intervenus lors de #ASSEAJA.
L'après-midi :
Après que les derniers prévenus se soient exprimés, cela a été au tour des parties civiles ainsi qu'au substitut du procureur de prendre la parole. L'avocat du club, Olivier Martin, a rappelé que ce dernier n'était pas dans une position d'attente vis-à-vis des évènements s'étant déroulés après la rencontre face à Auxerre, et a notamment évoqué un montant de 3,5M€ de manque à gagner sur l'ensemble de la saison dernière, du fait de toutes les sanctions infligées par la Commission de discipline de la LFP (huis clos et amendes). L'avocat de la Ligue de Football Professionnel a quant à lui, en outre, effectué des parallèles avec les incidents s'étant déroulés plus tôt en France comme ceux à Nice face à Marseille la saison dernière ou encore ceux à Bastia face à Lyon il y a quelques saisons.Cela a été ensuite au substitut du procureur, Amel Jakupovic, de prendre la parole pour revenir sur l'enquête s'étant déroulée pendant des semaines. Celui-ci a passé de longues minutes à qualifier et détailler des faits "graves" selon ses dires, en expliquant notamment ne pas vouloir que que la responsabilité individuelle soit "amoindrie" par la masse. Il a notamment essayé de démontrer que les faits étaient prémédités et organisés ce qui n'est pas établi par le dossier et ce que conteste vivement la défense. Il a divisé ces faits répréhensibles en trois phases : la première constituant l'introduction des engins pyrotechniques dans le stade, la seconde avec l'envahissement de terrain et les jets de projectiles et enfin la dernière derrière le stade. Ce dernier a tout de même concédé que la reconnaissance des faits était à mettre au crédit des prévenus. Il aimerait également que cette audience serve "à purger les passions" sans pour autant tomber dans des exemples, en tenant en compte des casiers judiciaires quasiment vierges pour tous. À l'issue de sa plaidoirie, Amel Jakupovic a prononcé les réquisitions suivantes :
- Pour trois prévenus, il a été requis 4 mois d’emprisonnement avec sursis simple, et une interdiction de pénétration dans une enceinte sportive de 2 ans.
- Pour trois autres prévenus, il a été requis 6 mois d'emprisonnement avec sursis simple, et une interdiction de pénétration dans une enceinte sportive de 3 ans.
- Pour deux autres prévenus, il a été requis 8 mois d'emprisonnement avec sursis simple, et une interdiction de pénétration dans une enceinte sportive de 3 ans.
- Pour un autre prévenu, il a été requis 10 mois d'emprisonnement avec sursis simple, et une interdiction de pénétration dans une enceinte sportive de 4 ans.
- Pour un autre prévenu, il a été requis 8 mois d’emprisonnement avec sursis probatoire, une amende à hauteur de 1000€, et une interdiction de pénétration dans une enceinte sportive de 3 ans.
- Pour un autre prévenu, il a été requis une peine d'emprisonnement mixte de 12 mois dont 4 avec sursis probatoire et pour la partie ferme une détention à domicile, ainsi qu'une interdiction de pénétration dans une enceinte sportive de 5 ans.
Alors que les cagoules faisaient l'objet d'un argument à la fois par les avocats des parties civiles ainsi que par le substitut du procureur Amel Jakupovic pour parler notamment de préméditation, Mᵉ Verilhac n'était pas du tout de cet avis et a regretté "qu'on puisse insuffler ce type de confusion, l’habit ne fait pas le moine et la cagoule ne fait pas le délinquant." Derrière cette phrase choc, l’avocat réfute surtout l’idée d’une organisation en amont des évènements de la part de ses clients. Il précise : "On amène dans ce tribunal une forme de confusion sur l’organisation et la structure de la soirée, la manifestation du mécontentement n’était soit disant pas spontanée.Vous n’avez rien dans le dossier qui vous permet de discuter d’une organisation et d’une prévention des faits."
Alors que l'effet de groupe a été pointé à multiples reprises pendant l'audience, Mᵉ Verilhac a rappelé que ce sont ces mêmes groupes qui sont venus en aide aux hôpitaux pendant le Covid et qui ont organisé des collectes solidaires pendant 24 week-ends. L'effet de groupe peut donc également créer une "conjonction d’énergies positives" ce qui doit être retenu selon l'avocat.
Ce dernier a également pointé l'hypocrisie des instances envers la pyrotechnie comme l'une de ses consoeurs par la suite, les diffuseurs se servant fréquemment des images de tribunes embrasées par des fumigènes pour promouvoir le championnat mais pour lesquels on donne également des sanctions, souvent lourdes.
Mᵉ Verilhac souhaite donc que ses clients soient jugés pour ce qu’ils sont "ni plus ni moins". Il a notamment rappelé que les autorités n'ont eu aucune difficulté pour trouver les prévenus au moment des interpellations certains s'étant présentés d'eux-mêmes, ainsi que l'immense majorité des faits a été reconnue. L'avocat s'est également posé la question de la pertinence de l’emprisonnement (avec sursis) requis par le parquet.
Les trois autres avocats de la défense ont été sur la même longueur d'ondes que leur confrère, en rappelant que les faits constituent certes des faits répréhensibles ou encore disproportionnées, mais également des réactions spontanées et non concertées ce 29 mai dernier au soir. Les avocats souhaitent un jugement marqué par la justesse et la mesure. Mᵉ Verilhac a d'ailleurs terminé sa plaidoirie par cette citation de Jean Racine : "Une extrême justice est souvent une injure."
Comme nous l'avons annoncé en fin d'après-midi, le délibéré a été fixé au 23 novembre à 13h30. Les avocats et les onze prévenus qu'ils défendent devront donc patienter une semaine pour connaître l'épilogue du procès.