Rachat : Les dessous du projet Markarian dévoilés
8 novembre 2021, l'AS Saint-Étienne est en difficulté sportive et financière mais également dans un processus de vente. C'est le dernier jour pour déposer une offre de rachat du club.
Olivier Markarian, candidat déclaré au rachat du club en formule une malgré de nombreuses complications pour connaître la situation financière exacte du club. L'homme d'affaires supporter des Verts, membre du conseil de surveillance de l'ASSE propose 20M€ pour racheter les parts des deux co-actionnaires du club accompagné d'une enveloppe de 60M€ à 100M€ consacrée aux investissements. Il est finalement recalé par KPMG, qui estime que les garanties juridiques et financières apportées sont insuffisantes.
De son côté, Olivier Markarian s'est heurté à une forme de rétention des informations par KPMG. Le Monde dévoile les détails du projet intitulé "Glasgow" accompagné de plusieurs investisseurs dont Jean Fuchs, fondateur de Fuchs & associés, un fonds luxembourgeois spécialisé dans la gestion de fortunes et dont les actifs sont évalués à plus de 8 milliards d’euros.
Le 1er octobre 2021, Olivier Markarian a enfin accès à la Data Room et mandate le groupe Financial, un cabinet d'expertise comptable afin d'analyser les risques liés à une éventuelle reprise du club. Le Monde dévoile le rapport de Financial qui pointe du doigt diverses difficultés :
- Accès à la data room tardif.
- Clôture de la data room au 1er novembre 2021.
- Les informations stratégiques n’ont pas été communiquées, telles que les contrats de joueurs, sans lesquels il était strictement impossible de pouvoir valoriser de manière juste le prix de transaction de rachat du club de l’ASSE.
Les experts de Financial relèvent tout de même différents points, comme le fait que la cession de joueurs a dégagé une plus-value nette de 45,4 millions d’euros sur l’exercice 2020-2021 ou encore une surévaluation des joueurs de l'ordre de 13M€. En outre, différents dossiers amènent le cabinet à évaluer le risque à 10M€. On y retrouve le licenciement de Claude Puel et de son adjoint (4M€ à provisionner), le licenciement de Ghislain Printant dont le coût total est de 1.1M€ et dont la seconde moitié (572 000€) doit être versé le 5 juillet 2022. Evidemment, on retrouve également le contentieux en cours avec Stéphane Ruffier, l'ASSE ayant provisionné 2M€ quand l'ex-portier réclame près de 5M€.
De plus, Financial continue de se heurter à un manque de transparence et explique dans son rapport : "Nous n’avons pas pu obtenir le détail des contrats d’agents sur les principaux joueurs de l’ASSE. Il s’agit d’un point majeur (5,7 millions d’euros sur la saison 2019-2020, 2,3 millions d’euros en 2018-2019), représentant en moyenne 10 % du coût de la transaction. Le cabinet KPMG ne nous a pas communiqué d’informations… Il nous est donc impossible d’évaluer avec certitude les recettes attendues sur mutations de joueurs."
Au terme du rapport, le cabinet d'audit égraine la liste des données restées inaccessibles : "les fichiers comptables informatisés d’ASSE Groupe, la holding qui chapeaute le club, les plaquettes des comptes détaillés et la liasse fiscale au 30 juin 2021, les procès-verbaux des réunions du conseil de surveillance tenues sur l’année 2021, le contrat du président exécutif Jean-François Soucasse, les contrats des agents lors des transferts, le montant total des commissions dues à ces derniers, l’identité des joueurs dont la cession est budgétée pour la saison 2021-2022 à 19,5 millions d’euros…"
Rapidement alerté de la situation, Olivier Markarian adresse un mail à Bernard Caïazzo et Roland Romeyer en date du 8 octobre 2021 : "Il est inconcevable de se positionner pour l’achat d’un club basé sur des chiffres vieux de seize mois. (…) La rétention d’information que vous opérez, l’impossibilité de communiquer et la perte de temps qui en résulte de manière générale dans ce processus est une aberration et le sera pour n’importe quel repreneur. Nous sommes prêts aujourd’hui à réallouer 40 M €. (…) Il s’agit ici d’une proposition à prendre ou à laisser pour une reprise immédiate de 100 % des parts et du contrôle des sociétés du périmètre. Nous nous engageons ensuite à investir les montants nécessaires pour donner au club les moyens de ses ambitions."
L'alerte de l'homme d'affaires reste sans effet et le 1er novembre, il adresse un nouveau mail à Roland Romeyer : "Tu constateras par toi-même que, de manière objective et sérieuse, on ne peut pas faire une offre sur un club de football sans avoir la possibilité d’accéder à toutes les données qui font plus de 50 % des charges ! C’est justement à cela que sert une data room, au cas où KPMG et ton équipe “finances” ne le savent pas et continuent de nous prendre pour des lapins de trois semaines : étudier TOUS les éléments majeurs pour faire une offre sérieuse. Et oui, ne t’inquiète pas sur la capacité que nous avons eue à lever beaucoup d’argent à très court terme. Nous en aurons encore plus dès le processus final enclenché."
La suite est connue, la fin du processus de vente accouche d'une souris. Olivier Markarian est notamment recalé, ce dernier a fait savoir il y a quelques jours qu'il avait tourné la page de ce projet.